CE 29 juin 2023, n° 458088 (publié au Lebon)
"12. Une fédération sportive délégataire dispose du pouvoir réglementaire dans les domaines définis par les dispositions législatives citées au point 6, pour l'organisation et le fonctionnement du service public qui lui a été confié. À ce titre, il lui revient de déterminer les règles de participation aux compétitions et manifestations qu'elle organise ou autorise, parmi lesquelles celles qui permettent, pendant les matchs, d'assurer la sécurité des joueurs et le respect des règles du jeu, comme ce peut être le cas de la réglementation des équipements et tenues. Ces règles peuvent légalement avoir pour objet et pour effet de limiter la liberté de ceux des licenciés qui ne sont pas légalement tenus au respect du principe de neutralité du service public, d'exprimer leurs opinions et convictions si cela est nécessaire au bon fonctionnement du service public ou à la protection des droits et libertés d'autrui, et adapté et proportionné à ces objectifs.
13. Il résulte de ce qui a été dit au point 12 que la Fédération a pu légalement interdire " tout discours ou affichage à caractère politique, idéologique, religieux ou syndical " et " tout acte de prosélytisme ou manœuvre de propagande ", qui sont de nature à faire obstacle au bon déroulement des matchs.
14. Par ailleurs, l'interdiction du " port de signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance politique, philosophique, religieuse ou syndicale ", limitée aux temps et lieux des matchs de football, apparaît nécessaire pour assurer leur bon déroulement en prévenant notamment tout affrontement ou confrontation sans lien avec le sport. Dès lors, la Fédération française de football pouvait légalement, au titre du pouvoir réglementaire qui lui est délégué pour le bon déroulement des compétitions dont elle a la charge, édicter une telle interdiction, qui est adaptée et proportionnée.
15. Il s'ensuit que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations des articles 9 et 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'incompétence de la Fédération pour édicter une telle interdiction qui, contrairement à ce qui est soutenu, a été adoptée par son assemblée générale, et du caractère injustifié de cette interdiction doivent être écartés. Il en est de même, en tout état de cause, des moyens tirés de la méconnaissance des articles 10 et 11 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, de ce que les dispositions litigieuses introduiraient une discrimination indirecte fondée sur la religion, les opinions politiques et les activités syndicales et méconnaîtraient dès lors l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 1er de la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.
16. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la Fédération française de football et la Ligue du droit international des femmes, que les requêtes de l'Alliance citoyenne et autres et de la Ligue des droits de l'homme doivent être rejetées."